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The Expert's Corner


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Published on 19 Jul 2022

Interview avec ‘Aviation Sans Frontières’


Depuis 40 ans, Aviation Sans Frontières met les ressources et les compétences du monde aéronautique au service de l'humanitaire. Chaque jour, l'association et ses bénévoles utilisent le réseau de transport aérien et leur propre flotte d'avions pour venir en aide aux populations en difficulté à travers le monde. Acteur incontournable de plusieurs causes humanitaires, l'ONG nous en dit plus sur ses missions et ses projets à venir.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’opération « les Ailes du Sourire » ? Quel est son lien avec Aviation sans Frontières ? Depuis combien de temps avez-vous mis en place ces missions ?
Après des débuts marqués par l’utilisation de toutes les compétences de l’aviation au profit de populations en détresse à l’étranger, Aviation Sans Frontières réalise sa première opération sur le sol français en 1995 avec les Ailes du Sourire. Objectif : organiser pour des personnes atteintes de handicap ou rencontrant des difficultés d’ordre social, des journées de découverte de l’aviation autour des valeurs de partage et de convivialité.
Plusieurs actions ponctuelles suivront, avant que l’activité ne se pérennise avec comme point d’ancrage La Ferté-Alais. Des antennes des Ailes du Sourire ont ensuite vu le jour à Aix-les-Milles, Toulouse, Saint-Omer… Elles sont désormais une dizaine, réparties dans toute la France.
Certaines d’entre elles ont connu un développement important, se transformant peu à peu en délégations régionales. La première inaugurée fut celle de Toulouse, en 1999. Dans le berceau européen de l’aéronautique, cette délégation a noué une relation très forte avec ATR et Airbus pour permettre l’acheminement de Fret humanitaire lors de livraisons d’appareils. Cette spécificité fait la force de cette délégation également très impliquée dans l’accompagnement d’enfants malades, la messagerie médicale et, bien sûr, les Ailes du Sourire. Idem pour la délégation régionale d’Aix-les-Milles, près d’Aix-en-Provence : créée en 2000, elle est aussi très active dans ces domaines.
Au total, Aviation Sans Frontières compte aujourd'hui trois délégations régionales, véritables pépinières où s’activent chaque jour de généreux bénévoles animés par cette volonté d’apporter toujours plus d’aide aux populations fragiles.
La nouvelle antenne Aviation Sans Frontières a vu le jour à Nice, et des journées Les Ailes du Sourire ont été organisées à l’aéroport de Cannes-Mandelieu. Un riche calendrier des Ailes du Sourire est prévu pour cette année.

Pourquoi avoir choisi Cannes comme nouvelle antenne ?
Au cours de l’été 2019, Aviation Sans Frontières en partenariat avec plusieurs aéroports de province a mené une campagne d’information et de sensibilisation auprès des voyageurs avec une présence de nos bénévoles au sein des aéroports. Ces opérations de terrain ont donné lieu à un rapprochement évident avec l’Aéroport Nice Côte d'Azur et sa Fondation qui œuvre au sein du territoire et qui promeut des actions de solidarité en direction des personnes à mobilité réduite.
Cannes, et son aéroport, représentent une référence majeure au sein de la grande famille de l’aéronautique.
Pour Aviation Sans Frontières il est essentiel de renforcer ses actions de proximité, au plus près de nos territoires. Nos collaborations avec plusieurs associations d’aide et d’accompagnement des personnes en situation de handicap de la région, nous ont amené à choisir Cannes comme siège de la nouvelle antenne d’Aviation Sans Frontières.

Avez-vous un souvenir particulier, une anecdote, que vous garderez toujours en mémoire ?
Une journée des Ailes du sourire pas tout à fait comme les autres. C’était un vol découverte d’un petit garçon avec son papa. Cet enfant adorable a fait ce jour-là son dernier vol. Atteint d’un cancer, il est décédé 3 mois plus tard. Son père nous a écrit quelques semaines plus tard pour nous remercier et nous dire combien avoir vu sourire son fils ce jour-là l’avait profondément marqué.

Quel est le plus gros défi auquel l’association a été confrontée ?
Aviation Sans Frontières est régulièrement confrontée à plusieurs défis : la recherche d’un équilibre économique souvent fragile, la réorganisation des différentes missions pour mieux s’adapter aux conditions du moment, la définition des réponses aux nouveaux besoins émergents. L’un de nos défis est également l’agilité pour agir vite auprès de ceux qui en ont besoin. Devant l'ampleur de la première vague de la crise sanitaire et les immenses besoins des hôpitaux, et structures privées (Ehpad…) qu'impose la pandémie de Covid-19, les équipes opérationnelles d’Aviation Sans Frontières, détachées de leurs missions quotidiennes, mettent en place une plateforme collaborative qui permettra rapidement et à la demande, l’acheminement de personnels soignants et de petits équipements médicaux, en France et en Europe.
C’est ainsi que le bilan des opérations organisées par Aviation Sans Frontières entre le 7 avril et le 30 juin 2020.
• Plus de 435 heures de vol
• Plus de 300 escales (incluant les mises en place)
• Plus de 420 passagers transportés
• Plus de 26 opérateurs différents utilisés
• Plus de 24 types avions différents (du monomoteur quadriplace Cirrus SR22 au triréacteur d’affaires Dassault Falcon 8X)
• 65 aéroports utilisés majoritairement en France (60) et à l’étranger (Suisse, Luxembourg et Grande-Bretagne)
Le prochain défi majeur auquel sont confrontées les Ailes de l’humanitaire est certainement de loin le renouvellement de la flotte arrivée en bout de course. Le renouvellement de la flotte d’Aviation Sans Frontières, que nous venons de lancer, est sans doute l’un des défis les plus importants auquel nous sommes appelés à répondre.

Comment recrutez-vous vos pilotes ?
Grâce à ses avions basés en Afrique, Aviation Sans Frontières permet de transporter du personnel humanitaire, d’acheminer des produits de première nécessité et d’effectuer des évacuations sanitaires d’urgence. Elle fournit ainsi un appui logistique à des centaines d’ONG et d’organisations internationales. Parmi elles, le PAM, Handicap International, Action Contre la Faim, ALIMA, la Croix-Rouge française… Une organisation adaptée aux conditions difficiles. La flotte d’Aviation Sans Frontières est composée de 2 Cessna Grand Caravan pouvant chacun transporter 12 passagers ou 1 tonne de matériel de première nécessité. Les missions sont fréquemment réalisées dans des conditions difficiles : milieu hostile, météo difficile, terrains de brousse sommairement aménagés. Pour cette raison, chaque mission est réalisée avec deux pilotes. Le recrutement et la formation des pilotes est un processus long et très rigoureux.
Chaque pilote est d’abord présélectionné :
• Sur son CV : il doit avoir 500 heures de vol dont 50 heures minimum sur Cessna Caravan ou qualification Cessna SET. Détenir la licence de pilote professionnel (CPL / commercial pilot license), la qualification MCC (multi crew coordination ou formation au travail en équipage), la qualification de vol aux instruments (IFR), le niveau 4 en anglais et la visite médicale classe 1 (pilote professionnel)
• Puis un entretien au bureau avec le chef pilote
• Enfin un test en vol sur un avion de classe SEP (single engine piston)
Avant son départ en mission, le pilote passera les Entrainements Hors Ligne et Contrôle Hors Ligne (c’est-à-dire sans passagers à bord) en configuration multi-pilotes, puisque les Caravan d’Aviation Sans Frontières sont toujours exploités par 2 pilotes : un commandant de bord, placé à gauche, et le copilote à droite. Il assistera aussi à un briefing avant mission (rappel sur la sécurité, informations géopolitiques sur le pays, données spécifiques à l’exploitation).

Lors de sa première mission, il sera copilote aux côtés d’un Commandant de Bord qualifié AEL/CEL (Adaptation en ligne et contrôle en ligne), et il effectuera l’Adaptation En Ligne. Une fois qualifié, le pilote doit répondre au maintien des compétences par des contrôles en vol avec un instructeur d'Aviation Sans Frontières : il effectue ainsi 1 entrainement hors ligne (EHL) par an, 1 contrôle hors ligne (CHL) tous les 6 mois et 1 contrôle en ligne (CEL) par an. Après décision du chef pilote, et après avoir atteint 750 heures de vol dont 200 heures minimum sur Caravan, le copilote peut être mis en stage Commandant de Bord. A la suite de cette formation, le pilote sera contrôlé en vol et pourra voler en tant que Commandant de Bord.

Les compagnies aériennes vous aident-elles dans vos missions ? Si oui, lesquelles ?
Les compagnies aériennes sont des partenaires essentiels dans une grande partie de nos missions.
Air France, partenaire historique, soutient Aviation Sans Frontières depuis sa création en 1980 par 3 de ses pilotes, apporte son soutien financier et accorde des facilités de transport à nos équipages en mission en Afrique. L’entretien des avions Aviation Sans Frontières est assuré par le personnel d’un atelier agréé "PART 145". De nombreux salariés actifs ou retraités d’Air France, et d’autres compagnie aérienne opérant en France (Transavia, Air Caraïbes, etc.), font partie de nos équipes de bénévoles, notamment l’accompagnement d’enfants en urgence de soins partout dans le monde.

Comment Aviation Sans Frontières gère les facteurs risques lorsque vous opérez dans des pays sensibles ?
La sécurité des bénévoles sur le terrain et la gestion des risques sont au centre des préoccupations d’Aviation Sans Frontières. Notre association opère en stricte collaboration avec les partenaires institutionnels : elle est partenaire du Conseil économique et social des Nations Unies et de la Direction Générale Aide Humanitaire et Protection Civile de la Commission européenne. En ce qui concerne les opérations de vol, Aviation Sans Frontières est la première ONG détentrice d’un certificat de transporteur aérien (CTA) européen au même titre que toute compagnie aérienne certifiée.

Quels sont les pays dans lesquels vous opérez le plus ?
Les Missions Avions opèrent depuis nos bases en République Centrafricaine (Bangui) et République démocratique du Congo (Bunia). La mission Accompagnement d’Enfants Malades vient en aide aux enfants majoritairement issus des pays d’Afrique occidentale.

Comment avez-vous géré l’augmentation du nombre d'opérations engendrées par la crise sanitaire ?
Dès le début de la crise, Aviation Sans Frontières a mobilisé la communauté aéronautique pour apporter un soutien logistique aux centres hospitaliers et aux soignants de la France entière. Notre ONG dont le terrain d’action est habituellement l’Afrique sub-saharienne, a offert la possibilité aux personnels soignants de rejoindre plus rapidement et dans de meilleures conditions de confort, les établissements hospitaliers où ils étaient attendus principalement dans les régions du Grand Est et d'Île de France. Pour augmenter l’efficacité du dispositif et améliorer sa réactivité, une plate-forme en ligne doublée d’une équipe de responsables d’opérations aériennes a été mise en place pour mettre en relation les soignants et les opérateurs d’avions privés, les constructeurs d’aviation d’affaires et les écoles de pilotage. Au total, ce sont ainsi plus de 420 soignants qui ont été transportés gratuitement vers 65 destinations en France majoritairement (60), mais aussi en Suisse, au Luxembourg et jusqu’en Grande-Bretagne.

En parallèle du transport des soignants, Aviation Sans Frontières a également réussi une mobilisation sans précédent des hôtesses de l’air et des stewards des compagnies aériennes, arrêtés de vol pour cause de pandémie. Après une formation spécifique, ces professionnels du transport aérien sont venus en soutien des personnels hospitaliers de l’Assistance publique et des Hôpitaux de Paris (APHP). Ils sont intervenus en renfort, au niveau de la prise en charge des patients et de leurs familles, dans le circuit de ville. Dans les hôpitaux et les EHPAD d'Île de France, ces professionnels de l’aérien ont constitué une aide précieuse pour des missions d'accueil, d'accompagnement ou de prévention. Ils ont participé aussi aux missions du dispositif COVISAN mis en place à la demande du gouvernement, pour enrayer la propagation de l'épidémie après le déconfinement. Lors des dernières phases de la pandémie, nos bénévoles ont appuyé les personnels soignants lors des campagnes de vaccination. Au total, plus de 400 bénévoles ont été engagés sur terrain tout au long de la crise sanitaire.

Qu’est-ce que le parrainage de Thomas Pesquet a apporté à l’association ?
Fidèle aux valeurs qu’il défend, de la protection de l‘environnement à notre condition de vie sur Terre, Thomas Pesquet a décidé de s’engager aux côtés des 800 bénévoles d’Aviation Sans Frontières. Pilote et passionné d’aviation, Thomas Pesquet a souhaité rejoindre une ONG à taille humaine ; son choix s’est donc porté naturellement sur Aviation Sans Frontières. C’était au mois de septembre 2019… Depuis, il a mis sa notoriété au service d’Aviation Sans Frontières. Notre association a donc gagné en notoriété auprès du grand public, ce qui a aussi facilité la recherche de nouveaux bénévoles, essentiels pour mener à bien nos missions. Nous avons aussi remarqué une visibilité accrue vis-à-vis des nouveaux partenaires potentiels. Un bilan très positif pour notre association.

Quels sont les prochains projets d’Aviation sans Frontières ?
Le renouvellement de flotte d’Aviation Sans Frontières. Les Missions Avions devront faire face à des investissements importants dans les années à venir. En effet, notre flotte est âgée et entraîne de nombreuses pannes et des coûts de maintenance importants. De plus, nos opérations s’effectuent en terrain accidenté, en toutes conditions climatiques : nos avions sont mis à rude épreuve et s’usent plus vite. Une longue et approfondie mission exploratoire, menée tant au niveau technique que financier, a conclu sur la nécessité d’acquérir de nouveaux avions.
Le remplacement de notre avion F-OJJC a été effectué en ce début d’année et a été financé par un emprunt bancaire, alors que le remplacement du F-OJJD se fera après le renouvellement des contrats avec l’UNHAS au 2e semestre 2022 par un avion neuf ou récent. Nous ferons donc appel à l’ensemble de nos partenaires, tout en cherchant de nouveaux soutiens et donateurs, pour financer l’achat des avions et pérenniser ainsi notre mission, essentielle pour les populations en détresse. Ces nouveaux Cessna, aux performances améliorées (capacité de stockage et de passagers transportés, technologie du système de contrôle de vol) nous permettront à moyen terme d’optimiser nos ressources, et, surtout, de mieux répondre aux exigences de la logistique humanitaire.

Un hangar de maintenance aéronautique à Bangui. En juin 2021 nous lancions une campagne nationale de crowdfunding pour transformer un hangar situé à l’aéroport de Bangui-M’poko en Centre de maintenance pour notre flotte. Grâce à la réponse de nos donateurs, ce projet est devenu une réalité. Nonobstant quelques retards dûs aux contraintes sanitaires et à la longueur des procédures administratives, notre hangar de maintenance est désormais opérationnel. Un atout important de ce centre MRO (en français : Maintenance, Réparation et Révision) est de pouvoir accueillir la maintenance des trois types d’avions utilisés par les Nations Unies : le Cessna Caravan, le Let 410 et le Beechcraft 1900. Nous souhaitons ainsi mettre notre expertise au service de l’ensemble des acteurs humanitaires qui opèrent dans la région.

Nous comptons également recruter en tant que bénévoles des mécaniciens déjà diplômés de l’Institut Amaury de la Grange qui pourront, à l’issue de 3 ans dans notre atelier Part 145 (agrément EASA), acquérir leur licence de mécanicien Part 66 et proposer ces prestations à la zone CEMAC- Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale. Aviation Sans Frontières lance également un appel à l’aide pour financer et installer des panneaux solaires sur le toit du hangar, afin de rendre le plus autonome possible en énergie et réduire ainsi son empreinte carbone.

© Photo Zeppelin

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